Pour clôturer à notre manière le Salon du livre, nous avons décidé d’arrêter 5 minutes d’enrichir Jeff Bezos (franchement il n’a pas besoin de nous), pour renouer avec l’humain : nous sommes donc allés recueillir auprès des meilleurs libraires de Paris leurs conseils de lecture. Des passionnés qui pourraient nous parler des heures des bouquins qui les entourent, dans de jolies et cosy librairies. Et nous n’avons pas été déçus. Voici de quoi constituer votre bibliothèque idéale. Et de quoi lire jusqu’à 2020.
© Gustave & Rosalie 2019
Pinocchio, de Winshluss bien évidemment ! Une version très librement adaptée de la fable enfantine, alors transformée en un conte trash, sombre et poignant pour adulte. C'est la BD la plus vendue par la librairie !
• Lamia, de Rayco Pulido : un pétage de plomb féroce tout en noir et blanc sur l'écrasement des femmes en Espagne franquiste.
• Ted, drôle de coco, d'Emilie Gleason : la claque émotionnelle.
• Saltiness de Minoru Furuya : la touche de folie.
• Bezimena de Nina Bunjevac : une fable sur les pulsions sexuelles.
• Courtes distances de Joff Winterhart : un récit de reconnexion à soi-même.
Celle qui va tous nous surprendre ! Et donc celle qu'on attend pas...
Perramus de Breccia : une satire féroce des régimes totalitaires sud-américains servie avec un graphisme extraordinaire. Un chef d’œuvre perdu qui a reçu le prix Amnesty international pour la meilleure œuvre sur les droits de l'homme.
Circé de Madeline Miller (États-Unis), parce qu'elle aussi est coincée sur une île, exilée par une famille mythiquement monstrueuse qui ne voit en elle que sa différence. Circé est unique, authentique et imparfaite et l’écriture de Madeline Miller est magnifique, précise et poétique.
• Le ministère du bonheur suprême, Arundhati Roy (Inde) : Personne ne raconte l'Inde avec autant d'éclat et d'amour qu'Arundhati Roy.
• Dans les angles morts, Elizabeth Brundage (États-Unis) : Entre roman psychologique et thriller, cet ouvrage est captivant de sensualité et d'intelligence.
• L'étang, Claire-Louise Bennett (Grande-Bretagne) : Un roman étrange et fascinant qu'on ne lâche pas.
• Le Mars Club, Rachel Kushner (États-Unis) : Un roman coup de poing qui laisse sa marque sur une jeune femme condamnée à la prison à perpétuité.
• Un château à Ipanema, Martha Batalha (Brésil) : La vie fantasque de l’ambassadeur de Suède et de son entourage à Ipanema, au début du XXe siècle. Drôle, piquant, génial.
Le prochain Maggie Nelson (États-Unis), qui devrait paraître courant 2019, un auteur qui réussit toujours à mêler témoignage, philosophie et poésie en une seule phrase, avec le talent nécessaire pour nous faire penser et vivre à chaque fois. Dans le meilleur des mondes, j'aimerais aussi que le prochain Chimamanda Ngozi Adichie (Nigeria) sorte cette année, je croise toujours les doigts !
Sans hésiter, La Huitième vie pour Brilka de Nino Haratischwili (Géorgie). Pour libérer sa nièce, Brilka, de l'histoire tragique de ses ancêtres, Niza entreprend de raconter l'histoire de leur famille : de la Russie des tsars à la Géorgie d'aujourd'hui, en passant par l'Allemagne ou l'Angleterre, Nino Haratischwili nous fait traverser le XXe siècle d'un pas dansant et captivant.
Pétronille et ses 120 petits de Claude Ponti, que j’ai lu au moins 2 000 fois ! Je ne me lasse pas de la richesse des décors, des jeux sur les mots, on y découvre toujours différents niveaux de lecture (à partir de 4 ans).
• Tintamarre et gazouillis, une journée tout en bruits, d’Eva Montanari : tous les moments de la journée d’un petit croco, du réveil au retour à la maison, en passant par la crèche. Un livre structurant pour les tout-petits (à partir de 18 mois).
• Moi j’ai peur du loup, d'Emilie Vast : deux lapins conversent pour déconstruire la peur du loup. Un livre plein de grâce et ingénieux, servi par des dessins élégants et stylisés (2 à 4 ans).
• Rustine de Delphine Perret et Roland Garrigue : une petite sorcière s’ennuie dans son monde de sorcières et décide d’emmener sa classe en sortie dans le monde normal. Mordant et drôle (de 4 à 7 ans).
• Olive et Léandre d’Alex Cousseau : un ours qui vit dans le nord et un poulpe qui vit tout au sud s’ennuient ferme chacun de leur côté et décident de se retrouver. Une ode à la persévérance, un texte très bien écrit et de belles couleurs (de 5 à 8 ans).
L’enfant et la grand-mère de Benji Davies, dans lequel on va retrouver le petit Noé de L’enfant et la Baleine qui rend cette fois visite à sa grand-mère et s’embarque dans une nouvelle aventure maritime (à partir de 3 ans).
Il existe en petit format mais il faudrait rééditer le grand format de La grosse bête de Monsieur Racine de Toni Ungerer (1971), l’histoire d’un homme qui trouve dans son jardin une étrange bête qui lui mange toutes ses poires, et avec qui il va nouer une amitié. Un livre irrévérencieux qui met en scène l’absurdité des comportements humains (à partir de 6 ans).
Jérôme : A Chronology of Photography, Paul Lowe.
Carl : Échos du silence, une correspondance poétique entre François Cheng et le photographe Patrick Le Bescont.
• All about, Saul Leiter : un livre qui retrace 60 ans de photographies indémodables.
• Masahisa Fukase, Masahisa Fukase : une bible de l’un des photographes japonais les plus créatifs de sa génération.
• Des Oiseaux, Pentti Sammallahti : une plongée en bichromie dans la nature.
• Rivages, Harry Gruyaert : un livre mythique dans sa 3e édition, augmentée en nombre de photos et allégée en prix.
• Momentum, JR : un ouvrage d’autant plus intéressant qu’il est lié à l’exposition à la MEP et disponible en version signée chez nous.
Jérôme : Je l’ignore, c’est l’effet de surprise qui est intéressant.
Carl : Cimarron de Charles Freger, lancement le 9 avril chez Artazart.
Jérôme : Hokkaido, Michael Kenna : une balade poétique au Japon.
Carl : Face au silence, Christophe Agou : une superbe balade dans les fermes françaises.
Le Quatuor du Yorkshire de l’Anglais David Peace. Quatre romans (« 1974 », « 1977 », « 1980 » et « 1983 ») qui n’en font en fait qu’un, comparable au célèbre Quatuor de Los Angeles de James Ellroy. Même écriture obsessionnelle, même noirceur, même dissection sociale à travers l’exploration d’un fait divers qui a traumatisé toute une génération (ici l’éventreur du Yorkshire). L’élève a même, selon moi, dépassé le maître et David Peace s’est imposé aujourd’hui comme le plus grand auteur contemporain de romans noirs.
• Macbeth, Jo Nesbø. L’auteur norvégien transpose la tragédie de Shakespeare dans une ville contemporaine gangrénée par la drogue et la corruption, où un jeune flic ambitieux va se laisser griser par la soif du pouvoir. Un pavé sans temps morts.
• Allez tous vous faire foutre !, Aidan Truhen. Le titre résume bien la folie et l’humour excessifs de cette énorme farce. Mes plus gros fous-rires de 2018.
• Dégradation, Benjamin Myers. Inspiré de l’affaire Jimmy Savile qui a ébranlé l’Angleterre en 2011, c’est un roman sombre et désespéré, qui laisse un goût âpre dans la bouche.
• Pension complète, Jacky Schwartzmann. Alerte au tueur en série dans un camping de la côte méditerranéenne ! Ça commence comme une blague potache, ça glisse doucement vers l’humour grinçant puis franchement noir.
• La Conspiration des médiocres, Ernesto Mallo. Ecrivain et journaliste argentin engagé, Ernesto Mallo explore le passé douloureux de son pays. Le roman est court, les phrases brèves, mais la colère et la tristesse suintent de chaque mot. Bouleversant.
Sans hésiter, le prochain livre de la jeune auteure italienne Paola Barbato. Son roman À mains nues reste ma plus grosse claque de ces dix dernières années. Mais pas certain qu’il sorte en 2019… En avril, sort Surface d’Olivier Norek. Lieutenant à la police judiciaire de Seine-Saint-Denis, Norek a fait son entrée en 2015 dans le monde du polar. Depuis : quatre romans dont le nouveau est à chaque fois plus fort et maîtrisé que le précédent.
Il y en a beaucoup ! Le Carcan ou Hidden Valley de Bill Pronzini, Plender de Ted Lewis… Mais surtout, les premiers romans du génial Jason Starr, notamment Mauvais karma. Jason Starr c’est un peu le Jim Thompson contemporain. Des romans noirs, très urbains, avec des personnages entraînés dans un engrenage infernal sans autre issue que l’obsession, la paranoïa et la folie. Pour vous faire une idée, lisez son chef-d’œuvre La Ville piège qui est toujours disponible chez Rivages.
Le Siècle des intellectuels de Michel Winock. Un livre qui m’a aidé dans mon métier de libraire quand j’ai commencé au rayon sciences humaines, il y a 15 ans, car il offre un panorama des intellectuels du XXe siècle. C’est un livre à lire d’une traite ou à picorer, un récit chronologique de l’histoire de France à travers ses penseurs et la manière dont ils se sont emparés de la place publique. Une bible à lire comme un roman pour mieux comprendre notre société.
• La France d’hier, Jean-Pierre Le Goff. Le récit croustillant de la jeunesse de ce philosophe-sociologue, né après la guerre et adolescent dans les années 1950, à l’heure où la modernité arrive, où on découvre les nouveaux loisirs, le pouvoir d’achat, le rock’n’roll. Un joli essai autobiographique sur un monde qui s’en va, et un autre qui arrive.
• Sorcières, Mona Chollet. Une initiation à l’histoire des femmes et au féminisme. Le gros succès de 2018, largement mérité pour cette journaliste du Monde Diplomatique qui s’essaie à la narrative non-fiction.
• Une histoire populaire de la France, Gérard Noiriel. L’historien, spécialiste de l’histoire de l’immigration, revient sur les révoltes populaires et leurs héros depuis la fin de la guerre de Cent Ans. Un livre essentiel qui trouve résonance dans l’actualité et qu’il faut avoir lu pour comprendre notre époque.
Sans aucune hésitation la réédition de La Femme mystifiée de Betty Friedan, un essai sur la femme au foyer américaine blanche de classe moyenne des années 1950 que sa condition est en train de rendre folle : exactement la Betty de Mad Men. Ce livre, peinture d’une certaine Amérique, a fait scandale quand il est sorti et a déclenché la deuxième vague féministe dans les années 1960.
L’Autobiographie de Malcolm X, de Malcolm X et Alex Haley, sorti aux États-Unis en 1965, épuisé depuis des années en France alors que c’est un texte essentiel, adapté en scénario par James Baldwin et qui a donné naissance au Malcolm X de Spike Lee.
J’emporterai A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust. Ce livre, d’une richesse infinie, a été une véritable révélation. Je pourrais en parler pendant des heures.
• Le Lambeau, Philippe Lançon : le récit dur mais très fort de la reconstruction faciale subie par le journaliste Philippe Lançon à la suite des graves blessures reçues pendant l’attaque de Charlie Hebdo.
• L’Amour après, Marceline Loridan-Ivens : comment retrouver la capacité d’aimer, le désir, la vie après les traumatismes des camps de concentration ? Le dernier livre d’une grande dame à lire absolument.
• Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu : lauréat du Goncourt 2018, c’est un roman social et d’apprentissage qui rend parfaitement l’ambiance des années 1990.
• Frère d’âme, David Diop : un récit très bien écrit, direct et touchant sur un tirailleur sénégalais de la Première Guerre mondiale.
• Idiss, Robert Badinter : un livre sur sa grand-mère, teinté d’exil, d’histoire et de transmission.
En fait le roman français le plus attendu est déjà sorti : Sérotonine, de Michel Houellebecq. Il est encore trop tôt pour connaître le programme des éditeurs pour le reste de l’année – dans l’absolu on aimerait un Jean Echenoz, un Pierre Michon, ou un Patrick Modiano… Mais dans l’immédiat je n’aperçois que deux textes, chez Gallimard : un récit de Pierre Bergounioux sur Freud à Paris, et un jeune auteur prometteur, Arthur Larrue, où des personnages disparaîtraient à l’intérieur d’un livre…
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